Une passion pour les modèles réduits de grande taille
Dans le monde du modèle réduit il y a deux catégories de pilotes, il y a les modélistes, ceux qui font voler leurs machines et il y a les maquettistes, ceux qui construisent leurs propres modèles réduits de toute pièce et les font voler. Hugo Christen, originaire de Freiamt, dans le sud de l’Allemagne, fait partie des deux communautés. Mais sa grande passion est la construction de grands modèles. Hugo Christen s’est fait connaître au niveau international par ses réalisations et est régulièrement l’invité de la plus grande revue allemande dédiée au modélisme.
Auteur : Urs Holderegger
Par où commencer avec une personne qui a déjà construit des centaines de modèles réduits au cours de sa carrière ? Le mieux est de débuter par le modèle actuellement en construction, dont les plans sont étalés sur la table de l’atelier. Il s’agit d’un Morane D-3081 des troupes d’aviation suisse, d’une envergure d’environ 3 mètres. On voit encore peu de pièces terminées. Mais ceux qui connaissent Hugo Christen savent qu’il ne lui faudra pas beaucoup de temps pour obtenir un modèle prêt à être construit.
Cet habitant de Freiamt âgé de 66 ans a attrapé le virus du modélisme il y a cinquante ans. Il s’est découvert sa passion par hasard à l’âge de 16 ans, lorsqu’une connaissance lui a offert une télécommande et quelques vieux modèles réduits d’avions, après qu’il ait perdu l’envie de pratiquer son hobby. Ceux qui se souviennent de l’époque savent ce que cela signifiait pour un jeune apprenti, car le salaire mensuel permettait à peine d’acheter un servo (pour le gouvernail). Avec des restes et du bois de récupération, le jeune Hugo Christen a commencé à bricoler une première construction personnelle, un avion qui volait tout à fait convenablement. Cinquante ans plus tard, la fascination pour la construction en bois est restée intacte.
Au début, il y a un plan
Pourquoi un Morane ? « J’aime les avions un peu spéciaux que l’on ne peut pas simplement acheter en kit « , répond Christen. Lors d’un récent meeting aérien, il a rencontré un pilote qui possédait un grand Morane. Il a été enthousiasmé par les dimensions de ce vieux chasseur bodybuildé. Lorsqu’est arrivé en plus un nouveau moteur bicylindre en ligne de 125 cm3 sur le marché, la décision était prise. C’est chez un marchand de modèles réduits à Schöftland, nommé Daniel Baumberger, que Hugo Christen a fait faire agrandir les plans existants et s’est ensuite mis au travail.
Un travail tout sauf monotone
Scier une à une des nervures d’aile dans du contreplaqué de peuplier à l’aide d’une petite scie sauteuse ou même d’une scie à chantourner peut paraître une activité monotone pour les non-initiés. Mais pas pour Hugo Christen. « Quand je suis dans mon atelier le soir, que j’écoute de la musique et que je fabrique mes nervures l’une après l’autre, cela tient presque de la thérapie pour moi ». Le plan de construction agrandi sert de référence, mais avec ses dizaines d’années d’expérience, Hugo sait où il faut introduire des renforts supplémentaires et où l’on peut construire plus légèrement en toute confiance. C’est pourquoi à la question de savoir combien de poids supplémentaire devra être placé sous le capot pour obtenir un centre de gravité correct, la dite question déclenche un sourire entendu. « En fait, il ne devrait pas y avoir besoin de quoi que ce soit, car je peux construire toute la partie arrière suffisamment légère ».
D’où vient cette passion pour les grands modèles ? Cela remonte à l’époque où Hugo Christen était le seul pilote de remorquage de son groupe d’aéromodélisme de Wohlen et où les modélistes arrivaient avec des planeurs régulièrement plus grands. Hugo Christen a donc dû adapter son avion de remorquage. Il a ainsi rapidement découvert que les grands modèles, avec un poids en vol plus élevé, volaient nettement mieux et plus calmement que les petits modèles.
Il a récemment terminé un nouvel avion remorqueur, un Piper Cub d’une envergure de 4 mètres, mais qui provient exceptionnellement d’un kit en bois d’un fabricant allemand. « Un modèle formidable », vante Hugo Christen, « avec lequel voler seul est aussi un plaisir ».
Quel sentiment éprouve-t-on lorsqu’on se trouve sur la piste avec un modèle que l’on a construit soi-même et que l’on fait voler pour la première fois ? En règle générale, les nerfs de Hugo ne tremblent pas trop lorsqu’il met plein gaz. Il n’y a qu’un cas, dont il se souviendra encore longtemps, où le premier vol s’est soldé par un crash avec un dommage total. Durant l’hiver 2012/13, Hugo Christen s’était lancé dans la construction d’un Polikarpow I-16 Rata aux couleurs de l’armée de l’air espagnole. Ce chasseur russe trapu a été utilisé pendant la guerre civile espagnole contre les nationalistes et la légion allemande Condor. A l’échelle 1:3, cela donnait un modèle d’une envergure de 296 cm et d’un poids en vol de 25 kg, propulsé par un moteur en étoile Moki de 250 cm3. Malheureusement, Hugo Christen s’était trompé dans les calculs du centre de gravité de ce modèle particulier, ce qui rendait le Rata pratiquement impossible à contrôler.
Tout aéromodéliste « normal » aurait arrêté
Une réparation n’étant plus envisageable, Hugo Christen décida de se lancer dans la construction d’un deuxième exemplaire. Pour faciliter le travail, il sollicita l’aide de son ami Rolf Fritschi, également maquettiste de talent, qui a fraisé un ensemble de nervures et de membrures. Environ un an plus tard, le second Rata effectuait son premier vol, qui s’est à nouveau soldé par un dommage important. Cette fois-ci, c’était l’allumage du moteur qui a cessé de fonctionner en vol et a contraint Christen à un atterrissage d’urgence brutal. Tout aéromodéliste un tant soit peu « normal » se serait arrêté là, dépité, mais Hugo Christen était d’une autre trempe, tellement convaincu de son projet qu’il a réparé une nouvelle fois le chasseur soviétique. Aujourd’hui, le Rata fait partie de ses modèles préférés. Mais il nous précise quand même : « Pendant longtemps, j’ai eu un sentiment de malaise au décollage, car les deux crashs étaient profondément gravés dans ma mémoire ».
Les maquettistes comme Hugo Christen sont polyvalents. Pourtant, à l’origine, rien ne le prédestinait à cela. « A l’école, j’étais un élève beaucoup trop paresseux. Au lieu de devenir mécanicien automobile, je me suis donc contenté d’apprendre à vendre des pièces détachées », sourit Christen. Son apprentissage terminé, il s’est essayé à différents secteurs d’activité. C’est là qu’il a acquis son habileté manuelle. Il a terminé sa carrière professionnelle en tant que chef de service dans une entreprise de taille moyenne et a pris sa retraite à 64 ans. Il s’est acheté une imprimante 3D et s’est lancé dans la construction de modèles réduits à l’aide de cette nouvelle technologie.
Jusqu’à quatre modèles par an
« Si un modèle bloque mon atelier durant plus de trois mois, cela commence à me contrarier ». Il lui arrive ainsi de réaliser jusqu’à quatre grands modèles dans l’atelier en une seule année. Grâce à son expérience, Hugo Christen sait exactement comment résoudre de manière simple et adéquate les multiples problèmes qui surviennent lors de chaque construction. Il tient à ne pas construire de modèles à l’échelle (scale), c’est-à-dire des répliques entièrement fidèles à l’original. « Dès que l’on se base sur le « scale », le travail devient incommensurable ». Les modèles de Christen ont des dimensions correctes, présentent des rivets, etc. selon le modèle, mais sont considérés comme des modèles semi-échelles.
Seul un modèle très spécial, pour lequel il a reçu en 2017 le « Goldener Adler » (l’aigle d’or) de la revue spécialisée allemande « FMT Flug-und Modelltechnik », répondait pratiquement aux exigences élevées du scale. Le Savage Bobber de Zlin Aircraft, un ULM à fuselage ouvert en tubes d’acier, a été reproduit par Christen à l’échelle 1:225. Le modèle, d’une envergure de plus de 4 mètres, a été doté d’une structure grillagée en tubes Cfk (fibr de carbone) au lieu d’un fuselage en tubes d’acier et a pu être admiré lors de nombreux meetings aériens. Depuis, le « Bobber » vole en Allemagne.
Peut-on se séparer facilement de tels modèles dans lesquels on a investi tellement de temps et de cœur ? Pour Hugo Christen, c’est bien plus la construction que le vol qui compte en premier. « Un premier vol réussi est pour moi la confirmation que j’ai construit un modèle irréprochable ». Et lorsque le hangar se remplit, il n’y a presque pas d’autres possibilités que de se séparer d’un modèle qui lui est cher, dans l’espoir qu’il volera encore de longues années chez son nouveau propriétaire. Entre-temps le prochain projet a déjà atterri sur la table de l’atelier.