Lorsque le moteur tombe en panne au décollage
Que faire si le moteur se met à tousser, ou tombe même en panne (perte de puissance) durant la phase de décollage? Pour affronter cette situation, les écoles de vol proposent un briefing standard. Une réflexion générale sur les différents scénarios d’urgence est essentielle pour la survie.
Auteurs: Markus Kirchgeorg, Flight Safety Officer FFAC et Daniel Knecht, Membre du comité consultatif FFAC
Un problème de moteur, voire un arrêt du moteur pendant la phase de décollage est souvent la cause d’accidents graves, même pour des pilotes expérimentés. En pareil cas, il ne reste au pilote que quelques secondes pour prendre la bonne décision. Le briefing standard des écoles de vol, en cas d’urgence pendant la phase de décollage ressemble plus ou moins à ce qui suit:
«Engine failure on the runway, power off and breaks to stop. Engine failure up to 1000 ft AGL take glide speed x knots, land on field ahead. Engine failure above 1000 ft AGL take glide speed x knots, return to the airport.»
Malheureusement et malgré toutes les précautions, il y a toujours des accidents mortels durant cette phase de vol, comme le montrent certains cas récents. S’il y a un problème en vol, on appliquera dans tous les cas la règle d’or: FLY – NAV – COM – CHECKLIST. Soit d’abord stabiliser l’attitude de vol, ensuite s’orienter et naviguer, puis COM, donc message radio. Et en dernier lieu consulter et suivre la checkliste.
Donner matière à réflexion
Notre article vise en premier plan à proposer des suggestions de réflexion aux pilotes, basées sur les scénarios à disposition en cas de problème de moteur au décollage, afin qu’ils puissent choisir la bonne procédure dans une situation de stress. Ce que nous ne pouvons pas faire ici, c’est d’établir une liste exhaustive de tous les scénarios possibles avec des instructions d’action contraignantes.
Le point commun de tous les scénarios est toutefois que nous, les pilotes, devons toujours commencer par stabiliser l’attitude de vol afin d’atteindre un vol plané stable. C’est seulement ensuite que l’on décide des étapes suivantes. En cas d’arrêt du moteur peu après le décollage, il n’est pas rare que, sous l’effet de la peur, l’on tire sur le manche ou que l’on tente un demi-tour beaucoup trop court, ce qui conduit trop souvent à un «Base Turn Stall» et donc à un crash.
En fonction de l’avion et de la situation de décollage, nous voulons réfléchir aux scénarios possibles étape par étape. Voici quelques exemples non exhaustifs :
Possibilité d’atterrissage sur herbe
Dans le scénario 1, nous rencontrons un problème de moteur à environ 1000 ft AGL. Dans l’axe de décollage se trouvent des champs et des prés. La procédure d’urgence idéale serait un atterrissage en vol plané à peu près dans l’axe de la piste. A cette altitude, un demi-tour pour revenir sur la piste peut entraîner le fameux «Base Turn Stall». Selon la checkliste d’urgence, les procédures comprennent «Throttle idle, mixture cut-off, Fuel selector off, Battery master off» (plus éventuellement d’autres points comme la rentrée du train d’atterrissage). Ouvrir la (les) porte(s) juste avant de se poser. Le manuel de vol (Air Flight Manual) du modèle concerné reste contraignant. En cas de retournement sur un sol ferme d’un avion à ailes hautes, il y a risque de déchirement des ailes, de fuite de carburant et d’incendie de l’avion.
Amerrir peut être une meilleure option
Dans le deuxième cas, nous avons le même scénario que ci-dessus, mais avec une étendue d’eau située devant nous et il n’est pas possible de retourner vers la piste. Dans certaines circonstances, un amerrissage peut être plus sûr qu’un atterrissage sur la terre ferme. Pour cela, rentrer le train d’atterrissage (si escamotable) et, selon le type d’avion, amerrir à vitesse minimale (full flaps) avec un angle d’attaque d’environ 10 à 15°. Juste avant de se poser, ouvrir la (les) porte(s) puis suivre les procédures habituelles «Throttle/Mixture/Fuel/Battery». Le manuel de vol (Air Flight Manual) du modèle concerné reste contraignant.
Avec un avion à ailes basses, on a ainsi de bonnes chances de pouvoir sortir à pied sec. En raison de la répartition des masses, un retournement est plus probable pour les avions à ailes hautes. Le choix entre un sol ferme et un amerrissage sera donc le plus souvent l’amerrissage, mais pas de manière générale pour les avions à ailes hautes. Donc ici aussi, tout dépend du scénario, que seul le pilote lui-même est habilité à décider dans le cas concret.
Et comment ouvrir les portes? Ici aussi, il existe différents scénarios en fonction du modèle. Sur de nombreux avions, on peut facilement déverrouiller la porte. Sur certains avions à ailes hautes, on peut simplement décrocher la porte en tirant sur une goupille. Si la porte reste bloquée à cause du choc, il est utile, voire salvateur, de disposer d’un outil pour briser la vitre, comme dans le Cirrus SR22 ou de s’équiper d’une pièce adéquate trouvée dans le commerce spécialisé.
Si un demi-tour est possible
Dans le scénario 3, nous nous trouvons déjà à plus de 1000 ft AGL lorsque le moteur tombe en panne. Il faut évaluer au cas par cas si cela suffit vraiment pour pouvoir retourner vers la piste. Certains pilotes expérimentés exigent 2000 ft AGL avant de chercher à faire demi-tour en vol plané. Mais cela aussi n’est pas une règle absolue. Certains avions de voltige permettent par exemple déjà le demi-tour à une hauteur inférieure à 1000 ft, alors que pour d’autres modèles, 2000 ft est une limite raisonnable. Là encore, tout dépend de la situation et du type d’avion.
Si le retour vers la piste semble possible, les procédures maintes fois enseignées s’appliquent: retour vers le terrain en vol plané et sans volets d’atterrissage. Dès que l’atterrissage semble assuré, sortir le train et les volets d’atterrissage. Comme dans les cas précédents, le manuel de vol du modèle concerné sert d’instruction contraignante.
Si l’altitude est trop élevée, définir un point de référence à environ 1 kilomètre de la fin de la base de la piste en service et descendre en virage à 360 degrés autour de ce point jusqu’à ce que la piste puisse être atteinte en vol plané. Adapter le segment de la base à la finale, afin de pouvoir contrôler la distance jusqu’au point d’atterrissage. Dès que l’atterrissage semble assuré, sortir le train et les volets d’atterrissage. Ici aussi, il existe différentes techniques, nous n’avons décrit ici qu’un seul exemple.
Autres conséquences d’une perte de puissance
Le «retour vers la piste» semble plus réalisable en cas de perte de puissance, que lorsque le moteur s’est arrêté d’un seul coup. Que l’hélice tourne encore dans le vent relatif ou qu’elle offre une résistance maximale à l’air, cela fait une grande différence pour l’autonomie en vol plané. Pour les avions équipés d’un système de sauvetage global (parachute, par exemple sur les Cirrus SR20 et SR22 ainsi que sur de nombreux aéronefs ultralégers), la question de savoir à partir de quelle hauteur de vol le parachute peut et doit être tiré fait obligatoirement partie du briefing de décollage. Selon le modèle, cela peut déjà être salvateur à partir de 400 ft d’altitude. «Climb to safe altitude» pour les avions bimoteurs avec une panne sur un seul moteur se présente très différemment dans des conditions de visibilité suffisantes (VMC) qu’en IMC. En VMC, il peut s’agir d’un tour de piste, en IMC, il n’y a peut-être pas la visibilité nécessaire pour cela. «Landing ahead» n’a pas du tout la même signification en montagne que sur une prairie plate ou au-dessus d’un lac.
Ce n’est pas la panacée
Est-ce là la panacée et donc le «livre de recettes» de ce qu’il faut faire dans les situations de perte de puissance après le décollage? Non, pas du tout. Cet article tente simplement de nous inciter à la réflexion. Lors du briefing de décollage nous devrions toujours avoir analysé et déterminé avec précision les scénarios de perte de puissance pour le jour du vol, en fonction du type d’avion, de la météo, de la géographie (terre et mer) et des autres facteurs. Il peut être salvateur de thématiser, avant le décollage, le risque vital de perte de puissance après le décollage, avec des scénarios différenciés et des réactions réfléchies, afin de gagner un temps précieux.
Il est également très utile de s’entraîner à l’atterrissage avec «perte de puissance» avec l’instructeur, par exemple lors du vol de contrôle annuel du groupe de vol à moteur, (généralement simulé avec Engine idle) à partir d’une altitude sûre. Dans la réalité, la descente est généralement plus rapide que dans l’exercice avec «Engine idle». Il faut aussi en être conscient avant le vol.